À la
veille des élections provinciales du 7 avril dernier, la question de savoir si
le Projet de loi 60 allait être adopté tel quel par l’Assemblée nationale était
encore d’actualité. Elle l’est beaucoup moins aujourd’hui à la lumière des
résultats obtenus. Rien ne laisse présager que le nouveau parti au pouvoir (le
Parti libéral du Québec) ne relance prochainement le débat sur la place des
symboles religieux dans les institutions publiques. Le Parti québécois était en
effet l’unique défenseur de la Charte.
Même s’il
semble que ce Projet n’aura jamais force de loi sous sa forme actuelle, le
débat provoqué par son dépôt n’aura toutefois pas servi à rien, puisqu’il a
fait prendre conscience à la population de l’absence de balises légales claires
en ce qui a trait au port de symboles religieux par les employés de l’État. Il
a également permis à certains d’entre nous de s’interroger sur le droit d’un
individu d’exprimer sa foi et d’afficher son appartenance religieuse sur ses
lieux de travail.
Plusieurs
questions ont été formulées dans le cadre de notre échange. Par exemple, l’employeur
est-il en droit d’exiger d’un employé qu’il modifie son apparence ou ses
comportements afin de refléter une certaine image organisationnelle? Est-il de
sa responsabilité de veiller à ce que les croyances de ses employés soient
respectées, en mettant en place divers accommodements? Ou au contraire, son
rôle ne serait-il pas plutôt de veiller à ce que les lieux de travail demeurent
exempts de toute connotation religieuse? Cela rendrait de facto inutile la mise en place de ces mêmes accommodements.
Vraisemblablement,
la réponse variera en fonction d’une notion personnelle de ce que devraient
être les limites du droit individuel dans les espaces publics. Certains
argumentent qu’empêcher un croyant de s’afficher en tant que tel ou de
pratiquer sa religion publiquement va à l’encontre de ce droit, alors que d’autres
diront que le lui permettre brime le droit de tous et chacun d’évoluer dans un
milieu laïque (c’est-à-dire, neutre et égalitaire). Certains ont déploré le
fait que la Charte semblait avoir été élaborée pour limiter principalement les
droits de certaines minorités (entre autres, les femmes musulmanes), ce qui la
rendait discriminatoire.
Le
thème de la discrimination envers la minorité musulmane en est un récurrent
lorsque la question de la place de la religion dans affaires est abordée, comme
en témoigne la réaction de certains à l’endroit de l’établissement d’institutions
orientées autour des valeurs religieuses de cette communauté. On questionne notamment
la pertinence et la viabilité d’institutions (comme par exemple, les
institutions bancaires) qui prétendent répondre aux besoins spécifiques de
certains croyants.
Entre institutions
entièrement laïques ou religieuses, il est visiblement difficile pour les
employeurs, les employés et les clients et les bénéficiaires de se positionner
adéquatement sur le plan de la morale. Les individus, les entreprises et les
gouvernements devront voir à redéfinir pour eux-mêmes les notions élémentaires
du droit individuel dans l’espace public et de celui de l’employeur d’imposer
sa culture organisationnelle. Ce sera seulement à l’issu d’une telle réflexion
que ces droits pourront légitimement être inscrits dans un document à l’image de
la Charte.
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