Dans leur quête incessante visant l'application des meilleures pratiques de management modernes, les organisations n’échappent pas à l’intérêt grandissant entourant l’influence de la religion sur le monde des affaires. Touchant des sujets aussi variés que la popularité croissante du système bancaire islamique ou les avantages de localiser les activités de l’entreprise au sein d’une communauté religieuse, études et sondages se multiplient sur tous les continents. Le présent blogue vise à informer, faire réfléchir et surtout inviter les lecteurs à faire part de leurs expériences et de leurs connaissances des liens que partagent les communautés religieuses et les entreprises obéissant à la loi du marché.

Influence de la religion sur la publicité des compagnies internationales

La religion, qui est une sous-catégorie de la culture, peut fortement influencer les multinationales désirant pénétrer dans les marchés étrangers, elle peut créer une barrière au commerce ou, au contraire, une réelle opportunité d’aller chercher de nouveaux consommateurs. Une adaptation des produits et de la publicité est donc souvent nécessaire pour plaire aux consommateurs d’un pays où la religion est très importante.
Par exemple, des études ont démontrées qu’un produit considéré comme ‘‘Makrooh’’ (arabe pour non recommandé), risque de se voir boudé par la clientèle musulmane, car celle-ci est très sensible aux produits qui peuvent être classifiés comme ‘‘non-islamiques’’ [1].

Plusieurs particularités sont à considérer lors de l’implantation d’une compagnie dans un pays ayant une religion différente à la leur. Nous pouvons prendre par exemple l’impact des spécifiés alimentaires de certains groupes religieux pour une chaîne de restaurants qui voudrait s’implanter à l’international. Ils doivent entre autre considérer que les hindous ne mangent pas de bœuf, les juifs et musulmans ne mangent pas de porc et que la consommation d’alcool est déconseillée chez les protestants stricts ainsi que les musulmans [2]. On voit ici-bas deux exemples d’adaptations religieuses effectuées par McDonald’s.


Les pays hindouistes considèrent les vaches sacrées et ne consomment pas de bœuf. Cela a donc amené McDonald’s à créer et publiciser le Chicken Maharaja Mac pour remplacer son célèbre Big Mac. Il est fait de poulet et ne contient aucun bœuf, contrairement à sa version originale [3].


En Indonésie, bien que plusieurs restaurants couvrent généralement leurs vitrines pour éviter d’inciter leurs clients à briser le jeûne durant le ramadan, McDonald’s est allé plus loin et a couvert ses burgers d’emballages pour la période du ramadan. Une campagne publicitaire complète visant à ‘‘camoufler’’ ses produits a été mise en œuvre autour de l’évènement religieux [4]. 

Les exemples d’adaptations de publicités les plus frappants sont souvent ceux en lien avec les femmes musulmanes. Le Coran encourage les femmes à s’habiller de façon modeste sans toutefois préciser le type de vêtement ou le style à porter. Cela se traduit toutefois souvent à couvrir leur torse, le haut des jambes et des bras, la tête et parfois le visage [5]. On voit que l’application de cette règle varie grandement selon les pays. Pour ce qui est de la publicité, le niveau d’adaptation dépend du pays où il est destiné. En effet, un pays plus strict tel que l’Arabie Saoudite nécessite souvent plus d’adaptation et quelques particularités supplémentaires pour la publicité [6]. On voit ici-bas quelques exemples d’adaptations de publicités destinées aux pays musulmans.



En plus de couvrir la peau de la mannequin, le parfum Givenchy s’est renommé ‘‘ange ou étrange’’, car le Coran n’accepte pas que l’on fasse référence à une force surnaturelle autre que Dieu [5][7].


La top-modèle Gisele Bundchen s’est vue ajoutée un t-shirt pour couvrir ses épaules pour une publicité de H&M diffusée au Moyen-Orient afin de respecter les mœurs de l’habillement modeste [8].


L’adaptation du catalogue Ikea 2013 a soulevé un vent de controverse. Ikea effaçait les femmes des images pour son tirage destiné à l’Arabie Saoudite, étant donné le contrôle strict du pays sur la représentation des femmes qui ne devrait avoir que les yeux de visibles [9].

On voit qu’il est important de bien connaître le pays où l’on fait des affaires, mais aussi de mesure les implications de ces modifications. Dans le cas d’Ikea qui a fait le choix d’adapter son catalogue, cela a eu des répercussions négatives sur son image dans les pays occidentaux. D’autres compagnies telles que H&M se font censurées lorsqu’ils choisissent de ne pas présenter des publicités adaptées au marché. Un bon exemple d’une compagnie ayant réussis à bien adapter sa publicité aux préférences religieuses et solidifier la fidélité de ses clients est celui de McDonald’s et de sa campagne du ramadan en Indonésie. Bref, l’enjeu des compagnies est de trouver un moyen de rester fidèle à sa culture d’entreprise et à son image de marque et ce, tout en respectant le pays et les croyances du pays dans lequel elle désire s’implanter.

Si l’adaptation des produits aux marchés musulmans vous intéresse, je vous suggère aussi cet article qui traite de l’adaptation des séries télévisées américaines à ce marché : http://www.inaglobal.fr/en/television/article/adapting-western-tv-arab-and-muslim-world

4 commentaires:

  1. Vraiment intéressant comme article, on s’aperçoit rapidement qu’il est important de prendre en considération la culture et par le fait même, la religion de la clientèle ciblée par la publicité. Afin d’enchérir sur l’article, il y a d’autres points qui doivent être pris en considérations autres que ceux mentionnés tels que l’image, le message et le choix des mots. Les émotions perçues dans la publicité peuvent être aussi prescrites dans certains pays où la Charia est mise en place. [1] Le simple désir au niveau du regard est interdit, ainsi une publicité qui démontrerait une émotion de désir pour un produit serait interdite. De plus, toujours dans un pays où la Charia est implantée, une publicité ne peut montrer une personne en train de fumer.

    Il y a plusieurs autres règles importantes à respecter lorsque l’on propose une publicité dans un pays islamique. Tout d’abord, le message véhiculé doit être authentique et il est interdit de mentir ou de cacher quoi que se soit par rapport au produit. Dans un même ordre d’idée, il est important de savoir que tout ce qui est en lien avec des passages religieux n’est pas bien vue tout comme tout ce qui incite le consommateur au gaspillage[2].

    Sachant qu’il y autant de règles différent d’un pays à l’autre et d’une religion à l’autre, je crois que l’adaptation d’une publicité n’est pas la solution. Au contraire, je crois que l’entreprise doit travailler en collaboration avec les firmes de publicité propre au pays afin de créer une nouvelle publicité, propre à l’entreprise et qui va encore plus toucher le consommateur contrairement à une publicité quelque peu modifié provenant d’un tout autre pays et contexte. D’ailleurs, plusieurs entreprises ont tenté d’adapter leur publicité au culture et religion d’un pays sans avoir les résultats. On peut penser à la publicité d’Ikea mentionné dans l’article ci dessus où la femme a disparu dans la salle de bain pour la publicité destiné en Arabie Saoudite[3].



    Il est vrai qu’à prime à bord, la publicité semblait bien adaptée, mais lorsque l’on s’attarde à la publicité modifiée, celle-ci ne fait plus aucun sens. De plus, le fait d’avoir modifié la publicité a choqué plusieurs personnes en Europe ce qui a créé une grande polémique. C’est une preuve parmi tant d’autre qui prouve que l’adaptation d’une publicité n’est peut-être pas la meilleure solution, il est mieux de débourser un peu plus d’argent et de créer une publicité propre aux coutumes et croyances du pays ainsi, le retour sera encore plus profitable.


    [1] http://www.advertisingtimes.fr/2011/04/publicite-au-proche-orient-entre.html
    [2] http://www.al-rizq.com/publicite-conforme-islam/
    [3] http://gestion-des-risques-interculturels.com/risques/ikea-en-arabie-saoudite-quand-adaptation-rime-avec-contradiction/

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  2. La publicité est l'action de rendre public, il s'agit, en d'autres termes, de l'ensemble des moyens utilisés pour promouvoir auprès d’un public cible un produit, et ce, dans le but de générer une action désirée (par exemple la consommation). La publicité peut s'inscrire dans l'utilisation de plusieurs médias (presse écrite, télévision, Internet, etc.), voire de la combinaison de ces éléments dans une stratégie.


    Les évidences montrent que les individus interprètent de manière subjective un message, mais en fonction d'un groupe d'affiliation. Je vous renvoie à la séance 4 (dimension individuelle) où nous avons vu que l'être humain était un être sémiotique qui génère et interprète des symboles. Il convient donc pour le publicitaire de comprendre quels sont les symboles qui produiront un effet positif. Par exemple, si le porte-parole de la publicité appartient au même groupe que les publics cibles (même profil morphologique, peau, couleur de cheveux, symbole religieux, etc.), le message sera interprété par le prisme d'affiliation du groupe. Dès lors, dans un marché mondialisé où un même message peut être perçu par plusieurs individus issus de plusieurs groupes d'affiliation, plusieurs interprétations peuvent coexister pour un seul message. De là naitra le besoin de campagnes où 1) un message sera adapté a plusieurs audiences ou 2) plusieurs messages seront développés pour un même produit. Dans le premier cas, l’adaptation amènera, par exemple, à ajouter ou retirer un élément d’une publicité (tee-shirt sur une photo, personnage en moins ou personnages différents, etc.). L’intérêt de ce procédé, au-delà du coût, réside dans la possibilité de travailler sur une cohérence marque-message à l’échelle globalisée. L’inconvénient réside dans le fait que les publicités ne restent pas cantonnées aux marchés ciblés, puisqu’elles peuvent voyager (Facebook, Twitter, etc.), les clients de plusieurs marchés peuvent s’apercevoir des modifications faîtes aux publicités. Cela peut devenir le signe d’une versatilité d’une marque qui s’adapte à des contextes différents ou au contraire être perçu comme un signe négatif et devenir sujet à polémique.

    En résumé, dans vos exemples, le problème n’est pas l’adaptation d’une image, mais le risque que l’adaptation pour une audience soit perçue négativement par une autre audience. Dès lors, une question se pose, comment les entreprises qui décident d’utiliser des symboles religieux dans une publicité (voile, kippa, turban, etc.) dans certains marchés peuvent-ils se prémunir contre une mauvaise interprétation de ces publicités dans d’autres marchés?

    Norrin Halilem, PhD.

    Bibliographie
    Henley Jr, W. H., M. Philhours, et al.; (2009); "The effects of symbol product relevance and religiosity on consumer perceptions of Christian symbols in advertising." Journal of Current Issues & Research in Advertising; 31(1): 89-103.

    Naseri, A. and E. Tamam (2012). Impact of Islamic Religious Symbol in Producing Favorable Attitude toward Advertisement.

    Taylor, V. A., D. Halstead, et al.; (2010); "Consumer responses to Christian religious symbols in advertising." Journal of Advertising; 39(2): 79-92.

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  3. J'ai trouvé l'article très intéressant et ai particulièrement apprécié le fait que les illustrations portent sur des "industries" totalement différentes - luxe, mode, mobilier et alimentaire.

    En général, lorsque l'on évoque ce sujet, l'illustration la plus "connue" est souvent celle de la mode. En effet, comme tu l'as montré avec l'exemple de Gisèle Bundchen les mannequins féminins sont souvent plus dénudés dans les promotions visant les pays "occidentaux" que dans celles ciblant les pays du moyen et du proche orient par exemple. Ainsi, la première page de couverture et le contenu des articles sont souvent revus afin d'être adapté aux mœurs locales.

    Cependant, il est évident que les entreprises ont compris que pour qu'une publicité soit efficace et devienne virale, il faut y incorporer ce que l'on appelle en anglais de la "shock value". Par exemple, le gouvernement français a développé il y a quelques années une publicité visant à sensibiliser ses citoyens face aux méfaits de la drogue. Pour cela, elle a décidé d'avoir recours à une scène assez humoristique en mettant en scène Jésus et ses apôtres. Cela a bien fonctionné puisque cette publicité a rapidement été relayée sur les réseaux sociaux et internet en général [1]. Cependant, utiliser la religion à des fins commerciales n'est pas toujours bien vu.

    Un exemple peut être relevé dans l'industrie des jeux vidéo où il est fréquent de voir des personnages féminins qui sont la plupart du temps dépeints avec des formes volumineuses et avec très peu de vêtements (i.e. l'exemple le plus connu devrait-être avec Lara Croft dans Tomb Raider par exemple).

    Plus récemment, un jeu nommé Smite a dû faire face à une polémique relativement importante. En effet, le jeu met en scène des combats entre divinités de plusieurs panthéons ce qui n’a pas plu à de nombreux pratiquants – notamment ceux issus de la religion de l’hindouisme [2].

    On peut ainsi trouver de nombreux pamphlets et pétitions en ligne fustigeant la représentation de leurs dieux et déesses dans le jeu. Notamment envers un cas qui met en avant une des déesses, Kali, dans un modèle dénudé et quelque peu vulgaire. Face aux réactions négatives des joueurs et du boycott qui a suivi, l’entreprise a décidé de revoir l’apparence du personnage dans son jeu et ses bandes d’annonce tout en publiant une excuse officielle sur son site.

    Cela pose donc une question relativement simple - où est la limite? Les dieux et déesses qui sont dépeints dans le jeu appartiennent à des panthéon différents et ils sembleraient que seule la communauté Hindou ait eu un impact suffisant pour forcer l'entreprise à évoluer sur sa position. La religion est un sujet sensible et l'utiliser peut avoir les effets d'un quitte ou double en quelque sorte pouvant générer rapidement un élément de communication efficace mais qui peut se retourner rapidement contre l'entreprise elle-même sous forme de boycott et de campagnes publicitaires négatives.

    Bibliographie

    [1] Jesus et les apôtres test la drogue, par Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, accessible par le lien : http://www.youtube.com/watch?v=ZG7FVKYEFh4

    [2] Stop denigration of Hindu Gods in video games: Boycott SMITE, par M. Makim, accessible par le lien : https://www.change.org/petitions/stop-denigration-of-hindu-gods-in-video-games-boycott-smite

    [3] Smite Dev Removes "Offensive" Goddess From Website, par S. Leboeuf, accessible par le lien : http://www.escapistmagazine.com/news/view/118740-Smite-Dev-Removes-Offensive-Goddess-From-Website

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  4. Merci Messieurs, pour vos contributions fort intéressantes à ce billet.

    En premier lieu, je suis en accord avec l’affirmation de monsieur De Montigny qui souligne l’importance de la culture dans l’établissement des politiques de publicités. Les caractéristiques pouvant être présentes dans la publicité liée aux différentes religions sont nombreuses et peuvent notamment être représentées sous la forme de présence de symboles, de références à des rituels (ex. : McDonald’s en Indonésie pour le ramadan), et peut aussi prendre la forme de respect des normes culturelles. Cette dernière catégorie peut donc se traduire entre autres par la censure de l’expression du désir mentionnée par monsieur de Montigny. Elle peut aussi, tel que monsieur Halilem l’a abordée, se traduire par la présentation d’un individu ayant les caractéristiques que possède le public ciblé par la publicité. Le sentiment d’appartenance étant l’un des trois aspects de toute religion [1], on vise à stimuler ce sentiment envers son groupe religieux afin d’influencer le comportement du consommateur positivement vers sa marque ou son produit [2] [3].

    Je souhaite aussi apporter un élément de réponse au point soulevé par monsieur Halilem en lien avec les moyens qui s’offrent aux entreprises afin de se prémunir d’une mauvaise interprétation de ces publicités dans d’autres marchés. En effet, je crois que ce risque est inévitable lorsqu’une compagnie œuvre avec des marchés de différentes cultures, tel que monsieur Maudire l’a mentionné, la religion est un sujet sensible et son utilisation peut avoir des effets aussi bien positifs que négatifs. Je crois par contre qu’il est possible d’atténuer le risque de perception négative de l’adaptation grâce à une stratégie marketing efficace. Une des méthodes utilisées par les marques internationales est celle du ‘‘think global, act local’’ mise en œuvre par McDonald’s [4], elle vise à envoyer un message unifié général de ce que la marque représente, tout en personnifiant son image locale en adaptant ses produits et sa publicité. Reste tout de même qu’une compagnie ou marque a généralement un point d’attache qui suscite un sentiment d’appartenance envers celle-ci. C’est souvent ce groupe qui se sent indigné face aux adaptations. De plus en plus, on voit l’avènement de compagnies born global, celles-ci font face à un risque considérablement réduit n’ayant pas de pays ‘‘type’’ la représentant, car elle est présente à l’international dès ses débuts.

    Monsieur Maudire, je trouve votre lien avec la publicité choquante qui utilise la religion très intéressant, car il est clair que la ligne est difficile à tracer lorsque l’on traite de la religion. Je vous invite d’ailleurs à consulter le billet de ma collègue Anne Leblanc où l’on retrouve des discussions intéressantes au sujet de divers cas de campagnes marketing à connotation religieuses. Lien : http://affairesetreligion.blogspot.ca/2014/03/quand-la-publicite-rime-avec-religion_30.html


    Laurie Ferland-Caouette


    Bibliographie

    [1] «Comment expliquer la pérennité de la religion ? », disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.scienceshumaines.com/la-grande-illusion-comment-la-selection-naturelle-a-cree-l-idee-de-dieu_fr_21129.html (dernière consultation le 14 avril 2014)

    [2] Khenfer, J., Roux, E. (2012) "Vers une religiosité situationnelle dans la consommation des musulmans de France", Management et religions : Décryptage d'un lien indéfectible (2012) 292

    [3] Jing Jiang, Ran Wei, (2012) Influences of culture and market convergence on the international advertising strategies of multinational corporations in North America, Europe and Asia, International Marketing Review, Vol. 29 Iss: 6, pp.597 – 622

    [4] Vignali, C. (2001) McDonald’s : ‘‘think global, act local’’ – the marketing mix, British Food Journal, Vol. 103 (2): 15.

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