Dans leur quête incessante visant l'application des meilleures pratiques de management modernes, les organisations n’échappent pas à l’intérêt grandissant entourant l’influence de la religion sur le monde des affaires. Touchant des sujets aussi variés que la popularité croissante du système bancaire islamique ou les avantages de localiser les activités de l’entreprise au sein d’une communauté religieuse, études et sondages se multiplient sur tous les continents. Le présent blogue vise à informer, faire réfléchir et surtout inviter les lecteurs à faire part de leurs expériences et de leurs connaissances des liens que partagent les communautés religieuses et les entreprises obéissant à la loi du marché.

Peuple indigène péruvien menacé face aux multinationales

La population indigène péruvienne représente environ 40% de la population totale du Pérou. Il est estimé qu’il existe plus de 60 groupes indigènes répartis à travers les montagnes, et les régions côtières et amazoniennes. Les plus grands groupes indigènes sont les peuples des montagnes – les Quechua et les Aymara. La région amazonienne est le foyer de nombreux peuples et groupes ethnolinguistiques qui sont largement dispersés géographiquement et dont les populations sont beaucoup moins importantes. Les habitants de la jungle sud-américaine sont les indigènes les moins contaminés par la « civilisation » dont l’étape actuelle est le capitalisme néolibéral.
[1]


Dans les religions précolombiennes, on trouve chez tous les tribus indiennes une nature enchantée par une multitude de forces spirituelles que chaque nation ait apprivoisé sa manière, tout en reconnaissant la primauté du grand esprit à l’origine de toute chose. Pour l’Indien, le territoire est sacré, il n’existe et ne se comprend qu’à travers celui-ci. Et le rapport à la nature est vécu dans le cadre de ce territoire, qui représente un grand corps vivant dont l’homme n’est qu’une partie. Ainsi, les croyances indiennes poussent au respect de la nature. Derrière chaque animal, plante ou pierre vit un esprit, auquel il faut accorder le respect qu’il se doit. [2]

Face au monde civilisé, les frères de l’Amazonie ignorent les catégories mentales, sans doute héritées des grecs, qui nous conduisent à discriminer nature et culture, corps et esprit, réel et imaginaire. Ainsi, ils ne partagent pas les préjugés d’ordre religieux du monde civilisé qui impose de recouvrir son corps de vêtements même s’il fait une chaleur intense. La forte offensive morale des missionnaires religieux et les lois qui défendent ces préjugés sont toutefois parvenues à ce que certains d’entre eux s’habillent, particulièrement lorsqu’ils doivent se rendre dans les villes. D’un autre coté, La plupart de ces communautés autochtones recherchent l’isolement en raison des actes de violence dont elles ont été victimes. Massacres, maladies et déplacements forcés décimèrent massivement la population locale en l’espace de quelques décennies.
 

 Aujourd’hui la voracité des entreprises multinationales vient menacer leur vie paisible attachée à la nature qui représente pour eux le territoire de leurs ancêtres, leur terre-mère, où ils rabattent et chassent des animaux, et récoltent des plantes médicinales pour se guérir. L'Amazonie n’attire pas seulement pour son bois précieux mais aussi pour ses terres riches en ressources naturelles (pétrole, ressources minières, etc.). On compte 82 % du territoire de l’Amazonie péruvienne, qui représente 63 % du territoire péruvien, a été cédé à des entreprises extractives pendant la période de l’ancien président Alan García. La sécurité des territoires indigènes est en manque de procédure juridique et la population locale n’est jamais consultée lorsqu’il s’agit de mettre en place un projet, que ce soit un barrage hydraulique ou encore une industrie minière ou pétrolière. [3]
Tribus indigènes vivant en isolement volontaire dans la région amazonienne du Pérou
 En 1974, la Loi des Communautés Indigènes reconnut le droit des indigènes de l’Amazonie péruvienne à la propriété collective sur leurs territoires limités aux terres avoisinant leurs villages, mais en 1977, la Loi Forestière et de la Faune sauvage interdit de leur donner les titres de propriété des terres à aptitude forestière situées dans les espaces des communautés indigènes, qui appartiendraient ainsi au domaine de l’État [4]. Au fait, il faut être inscrit sur les registres publics pour obtenir le titre de propriété. La constitution du Pérou reconnaît l’existence des communautés indigènes, même non inscrites comme personnes juridiques sur les registres publics, mais le processus de délivrance des titres de propriété des collectivités indigènes est très bureaucratique et lent, et n’est pas une priorité politique de l’État péruvien. Pendant ce temps, les activités agricoles, forestières, pétrolières et minières avancent sur des territoires qui attendent encore leurs titres [5].

Contamination au pétrole de territoires indigènes par une compagnie pétrolière
Malgré certaines avancées et les efforts des organisations et associations nationales et internationales, les conflits entre colons et indigènes, entre entreprises multinationales et indigènes, et entre états et indigènes persistent. Jusqu’à aujourd’hui, les revendications sociales sont souvent réprimées par la violence de la part de ceux qui détiennent le pouvoir dans le pays, Il est aussi fréquent que des leaders et groupes indigènes soient assassinés pour la simple raison qu’ils dérangent les intérêts économiques de grands propriétaires terriens ou d’entreprises privées implantées dans la région.

"Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l'argent ne se mange pas" (Proverbe indien)

2 commentaires:

  1. Merci pour ce billet fort intéressant ! Les peuples indigènes du Pérou sont les plus menacés au monde et malheureusement on en entend pas beaucoup parlé. Certes, le gouvernement péruvien, sous la pression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), « a créé cinq territoires spécifiques au cœur de la jungle, sur plus de 2,2 millions d’hectares, où personne n’a le droit d’entrer » [1] pour protéger certains peuples indigènes isolés tels que les Mashco-Piro, les Yora, les Murunahua etc. mais des compagnies pétrolières et des bûcherons continuent de pénétrer illégalement sur leur terres. [2] [3] [4]

    Certains peuples se voient même forcés de sortir de la jungle à cause du trafic de bois, mais également du trafic de drogue car les cartels utilisent la jungle pour faire sortir la cocaïne du Pérou, ainsi que les missions évangéliques qui sont convaincues que ces peuples sont des sauvages qu’il faut sauver et civiliser.[5]

    Sortir de leur habitat, est quelque chose qu’ils ne font jamais car ils ont toujours refusé le contact avec le monde extérieur à cause des massacres et violences à répétition.[6] Je tiens à rajouter également qu’il est dangereux pour ces peuples d’être en contact avec le monde extérieur « en raison de leur faible immunité envers les maladies infectieuses occidentales ». [7]

    A titre d’exemple, la compagnie pétrolière Shell avait obtenu l’autorisation d’exploiter le territoire où vivait la tribu Nahua dans les années 1980 mais ceci a été dramatique pour ce peuple dont plus de la moitié a été décimé par les maladies « apportées » par les employés de Shell. [8]

    Malheureusement l’histoire se répète… Le gouvernement péruvien à approuvé en Janvier 2014 l’expansion du projet gazier de Camisea, dirigé par le consortium Pluspetrol, Hunt Oil et Repsol-YPF, dans la réserve Nahua-Nanti en Amazonie péruvienne. La réserve se trouve dans le parc national de Manu, une région très protégée et classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. [9]

    En plus de menacer la santé et l’habitat des tribus indiennes isolées vivant dans cette région, l’exploitation pétrolière risque de détruire les écosystèmes et la biodiversité qui y résident.

    Cette approbation du gouvernement pour ce projet est une violation de la Convention 169 relative aux droits des peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants. [10] C’est clairement dire au monde entier que l’on peut violer les lois internationales à tout moment sans être inquiété. Si les lois ne fonctionnent plus, que nous reste t-il pour protéger ces peuples ?

    Mathilde Buchet

    [1] Les indiens du Pérou se sentent de plus en plus menacés dans leurs territoires, par Le Monde, disponible en ligne à http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/09/07/les-indiens-du-perou-se-sentent-de-plus-en-plus-menaces-dans-leurs-territoires_3472851_3222.html
    (dernière consultation le 3 Avril 2014)
    [2] Des indiens isolés menacés de disparition, par Survival France, disponible en ligne à http://www.survivalfrance.org/actu/2314
    (dernière consultation le 3 Avril 2014)
    [3] Selon la CIDH, les Indiens isolés doivent être protégés, par Survival France, disponible en ligne à http://www.survivalfrance.org/actu/2325
    (dernière consultation le 3 Avril 2014)
    [4] Voir supra, note 1
    [5] Voir supra, note 1
    [6] Voir supra, note 1
    [7] Les indiens isolés du Pérou, par Survival France, disponible en ligne à http://www.survivalfrance.org/peuples/isoles-perou
    (dernière consultation le 3 Avril 2014)
    [8] Projet gazier Camisea, par Survival France, disponible en ligne à http://www.survivalfrance.org/sur/camisea
    (dernière consultation le 3 Avril 2014)
    [9] Voir supra, note 9
    [10] Convention 169, par Survival France, disponible en ligne à http://www.survivalfrance.org/campagnes/169
    (dernière consultation le 3 Avril 2014)

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  2. À la différence de ses voisins qui se déclarent plurinationaux (Bolivie, Equateur) ou multiculturels, (Colombie), le Pérou est censé être un pays interculturel depuis la Constitution de 1993. Ce qui signifie que l´existence de peuples autochtones n’est pas reconnue par la Constitution. La notion d’interculturalité laisse supposer que la politique et les programmes de l´état tiennent compte des différences culturelles entre les citoyens et que pour cela, il faut les transversaliser pour les rendre applicables et effectives. Bien que le sens de la notion d’interculturalité soit à peu près clair, il n’en est pas de même avec son application.
    La communication doit porter sur les normes, les concepts et les programmes censés être interculturels dans quatre ministères qui travaillent avec des populations autochtones (Santé, Education, Justice et Inclusion Sociale). Cela consiste à montrer les enjeux et les difficultés de comprendre l´interculturalité dans les programmes de l´état, les différentes manières d´insérer des considérations autour de cette interculturalité dans les structures institutionnelles et les tensions qui se développent à l´intérieur de celles-ci. Plus qu’un problème d’ordre théorique ou définitionnel, l’interculturalité apparaît comme une question d’ordre épistémologique, la manière de l’appréhender et la cohérence qui l’accompagnent étant plus problématiques que l’idée même d’une interrelation.
    Pour l’UNESCO, la durabilité mondiale doit reposer sur des bases locales, qui reflètent les opinions et les besoins des communautés locales, notamment des peuples autochtones. Sans la culture, aucune société ne peut prospérer et il ne saurait y avoir de développement durable. Les peuples autochtones le savent mieux que quiconque, eux qui sont les gardiens d’une riche diversité linguistique et culturelle, possédant une connaissance unique des modes d’existence durables et du respect de la biodiversité.
    La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007) reconnaît que « le respect des savoirs, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à une mise en valeur durable et équitable de l’environnement et à sa bonne gestion ». Afin de développer cette idée et de protéger les droits de tous les peuples autochtones, il faut mettre en place de nouveaux accords, alliances et arrangements en faveur de la durabilité mondiale. C’est ce à quoi l’UNESCO s’est annoncé engagée à l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones.

    Sanaa

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